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Florian Favre Trio / Florian Favre, du football au jazz

image © Amador Ortega
 
Florian Favre (au centre) défendra à Fribourg et à Morat les couleurs riches et variées de son premier disque en trio.

Le Fribourgeois a abandonné ses études de sport pour la musique. Avec son premier disque en trio, il se place sans peine parmi les meilleurs pianistes de jazz de Suisse. 

Florian Favre faisait partie depuis plusieurs années des talents prometteurs du jazz fribourgeois. Mais aujourd'hui, avec la sortie d'un premier CD en tant que leader, il se hisse parmi les pianistes suisses les plus intéressants de sa génération. A 27 ans, muni d'un Master en composition de la Swiss Jazz School, ce musicien aux oreilles grandes ouvertes a déjà eu l'occasion de travailler avec Stephan Eicher, tout en se faisant remarquer sur le plan international: demi-finaliste cette année au concours de piano solo de Montreux, et vainqueur en 2012 de l'International Jazzhaus Piano Competition à Fribourg-en-Brisgau. Remarquablement enregistré au studio de la Fonderie à Fribourg, ce disque au titre incitatif («T'inquiète pas ça va aller») témoigne aussi d'une complicité stimulante avec de jeunes partenaires tout aussi talentueux, le contrebassiste Manu Hagmann et le batteur Kevin Chesham. A découvrir en concert ce samedi à La Spirale de Fribourg, et une semaine plus tard au KiB à Morat. 

Comment s'intéresse-t-on au jazz lorsqu'on a eu 14 ans en l'an 2000? Ce n'est pas forcément la musique du XXIe siècle? 
Florian Favre: J'ai commencé très tôt par le piano classique, mais je me suis vite senti attiré par l'improvisation en décou- vrant par exemple toutes les pos- sibilités de la gamme blues. Ma professeure de piano de l'époque m'a donc conseillé de suivre les cours de jazz au Conservatoire de Fribourg avec Richard Pizzorno. Et c'est lui qui m'a donné les clés pour entrer dans ce monde du jazz. Et de découvertes en décou- vertes, de disque en disque, de concert en concert, je suis vraiment tombé dans la marmite... 

Mais vous auriez tout aussi bien pu devenir footballeur, m'a-t-on dit. Vous ne seriez pas le fils de Lucien Favre par hasard? 
Pas du tout. Ni celui du batteur Pierre Favre! Mon père s'appelle Pascal Favre, un chef d'orchestre connu dans le domaine du brass band... Oui, effectivement, j'avais commencé un cursus de sport-études à Lausanne, et le foot était ma priorité. Mais c'est aussi à cette époque que j'ai eu plus de temps pour faire de la musique, avec d'autres sportifs notamment. Finalement j'ai décidé de m'inscrire à la Swiss Jazz School à Berne. Là j'ai fait beaucoup de rencontres qui m'ont donné l'occasion de jouer avec plein de gens différents, pas seulement dans le domaine du jazz, d'ailleurs. 

Et notamment Stephan Eicher, peut-on lire sur votre page internet. Ça paraît incroyable, non? 
Oui, c'était une belle expérience. En fait, il a produit le CD de Kutti MC, un rappeur bernois avec le- quel j'ai travaillé. Et dans la fou- lée, on a donné cinq concerts avec lui. C'était très intéressant, mais aussi un peu angoissant, car le monde de la pop est très différent du jazz. Il y a une pression, une tension qui ne correspond pas forcément à ce que je recherche dans la musique. 

Vous avez également un projet solo qui s'appelle «Pas de deux». De quoi s'agit-il? 
C'est un programme avec une série de compositions personnelles autour de la danse, un art que j'aime beaucoup. J'utilise un piano préparé avec lequel je joue différents styles de danses, en imitant par exemple des rythmes de drum'n'bass ou la clave de la salsa. Et dans une deuxième partie, j'invite une danseuse à improviser sur ma musique. 

Aujourd'hui votre actualité, c'est la sortie d'un premier disque en leader avec votre trio. Rien qu'en Suisse, il y a des dizaines de trios de pianistes. Pas simple de se faire une place? 
Ce n'était pas facile en effet et je me suis beaucoup posé de questions. La formule du trio fait partie de l'histoire du jazz et il faut arriver à la fois à l'oublier et en même temps en tenir compte. Au début j'étais inquiet et je me suis libéré en composant une pièce qui s'appelle «T'inquiète pas, ça va aller», qui conclut l'album et qui lui donne son titre. 

On est frappé par la richesse et la variété des compositions. C'est un disque très structuré, pas une simple succession de morceaux... 
Il y a énormément d'excellents pianistes aujourd'hui et c'est par la composition que l'on peut se démarquer. Je me sens autant compositeur que pianiste et j'ai voulu varier les ambiances tout en conservant une unité du dé- butàlafin.Ilyadesmoments très calmes, d'autres plus expressifs, une pièce autour de la forme du rondo. Il y a aussi un blues tout simple ou un morceau plus groovy en hommage au pianiste Horace Silver. En règle générale, je ne recherche pas la virtuosité gratuite, mais plutôt d'essayer de dire le plus de choses en jouant le moins de notes possible. 

Sur le disque, vous jouez avec un contrebassiste lausannois, Manu Hagmann et un batteur bernois, Kevin Chesham. Cela ouvre des portes en Suisse? 
Oui, je joue d'ailleurs beaucoup plus en Suisse alémanique qu'en Romandie. Et pour la sortie de ce disque, cela m'a permis d'obtenir un soutien de l'Etat de Fribourg, mais aussi de Lausanne et de la ville et du canton de Berne. C'est bien sûr très encourageant!


Eric Steiner
La Liberté / 24 oct. 2013

www.manusound.net